mercredi 30 septembre 2015

CCLVIII ~ Du parasite

Billet très (trop ?) bref simplement pour placer quelque part cette citation que je viens de lire dans le court texte L’Art : l’idéal socialiste de William Morris, et qui résume bien beaucoup de choses qui m’importent.

Il ne viendrait sans doute à l’idée de personne de nier que, de nos jours, peu de gens apprécient l’art ou y pensent. En gros, ce sont les riches et les parasites qui s’en occupent. Les pauvres ne peuvent s’offrir que l’art qu’on leur donne par charité et qui est d’une qualité inférieure inhérente à ce genre d’aumônes ; il ne vaut pas le détour, sauf pour des personnes faméliques.

CCLVII ~ L’échelle céleste

Alors que je réalise lentement que je connais le lolita depuis près de 15 ans, soit largement plus de la moitié de ma vie (c’est fou !), j’ai voulu faire un petit classement de dix tenues parmi toutes celles qui m’ont le plus inspirée lors de toutes ces années. Parce que j’ai beau être désespérée par la vacuité actuelle du mouvement (mais qu’est-ce qui n’est pas vide en ce moment, de toute façon…), je ressens toujours beaucoup d’amour pour son esthétique et sa silhouette. Ainsi, cessons de râler, et soupirons d’aise.

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10. Une jeune fille capturée dans le tout premier Gothic Lolita Bible.
Premier GLB, premier street snap, première page (demoiselle de droite).
Rien que je n’aime pas dans cette ici, pose et sourire malicieux compris. Je trouve tant de charme à cette simplicité ; et la joie que j’ai ressentie en portant cette robe pour quelques heures me donne le frisson à l’idée de la posséder enfin un jour (j’ai l’impression d’être le héros d’un mauvais roman érotique en écrivant cela…). Et tant pis pour le manque d’imagination ; je veux exactement cette tenue, et me promener à Tôkyô avec. Sentez les rêveries des années 00 ressurgir !


09. La plus belle tenue pâle de tous les temps (pas d’emphase, ou si peu).
Iiraliina
Qui n’était pas amoureux de la prestance et de l’élégance d’Iiraliina, au début des années 2010 (laissez-moi prendre mon cas particulier pour une généralité…) ? Je crois bien que de toutes les superbes photos qu’elle laissait filtrer sur les plateformes alors en vogue (feu Daily Lolita, entre autres) celle-ci est ma préférée. J’aime tellement sa façon de porter le Moitié, si mystérieuse et intrigante… À l’époque où je ne jurais que par le noir, elle qui savait apporter si justement les ténèbres dans la clarté me donnait envie de chuter dans les teintes lumineuses.


08. Résilles.
Na + H.
Je n’en démordrai jamais ; l’ero fait clairement partie, pour moi, de l’esthétique lolita. J’apprécie cette tenue pour le violet, évidemment, pour son élégance, et j’aime aussi la nuance dédaigneuse dans les yeux de la modèle. Je ne perds pas espoir d’écrire un billet valable sur l’ero un de ces jours (un peu mieux qu’ici, en tout cas) je ne m’étends donc pas plus.


7. Cocorico. 
Marie Tuonetar
Je suis tant sous le charme de l’ambiance que Marie dégage qu’il me fallait la faire figurer ici, mais j’eus bien du mal à me restreindre à une seule photographie qui me plaisait. Finalement, celle-ci résume tout ce qui m’attire dans l’élégance et la sobriété du lolita qui me fait rêver depuis 15 ans.


06. La Grande Bouffe.
Juliette et Justine.
Souvenez-vous. Vers 2011, alors que la mode était aux tenues d’un pastel douteux et aux références pop culture assumées, Juliette et Justine se met à sortir des imprimés tirés de tableaux de maître, et c’est la révolution. Mon cœur, depuis, bat de plus en plus fort pour cette réinterprétation de la Cène au titre plutôt évocateur, sortie, si ma mémoire est bonne, au début de l’année 2013. Sérieusement, si je n’assouvis pas ce désir terrible, cette tenue risque de grignoter encore quelques places dans le classement. 
Blague à part, j’apprécie beaucoup le mélange de couleurs et de textures. Mais bon, le nom de La Grande Bouffe est déterminant pour cette violente passion.


5. Néo-old-school.
Satan’s Celestial Baby
Je suis depuis quelque temps cette jeune Britannique sur Tumblr, et j’apprécie vraiment la façon dont elle porte le lolita, mélangeant la mélancolie des pièces de 200X avec des inspirations plus récentes comme des collants Grimoire et le maquillage en vogue ces dernière années, donnant un côté encore plus éthéré aux maladroites silhouettes datant d’il y a 15 ans. Cette photographie est vraiment charmante, et je ne mourrai pas sans avoir essayé un jour ce genre de perruque-saucisse.


04. De la sobriété.
Marie-Dauphine
J’assomme tout le monde à coups de sobriété, mais bon, j’apprécie également l’opulence, parfois. Comme ici, où tout est chargé, mais rien n’est à jeter. On sentirait presque le parfum de la tubéreuse à travers l’écran. En conclusion, mourir étouffée sous le poids de ses dentelles est ma foi une mort très honorable.


03. Sachi.
À gauche, cette fois-ci.
Je ne pouvais pas ne pas mettre cette image. C’est à cause d’elle que je suis tombée dans tout ça. Me plonger dans ces vieux souvenirs m’a rendue un peu triste, car je réalise que je me sentirais terriblement mal à l’aise, à présent, dans la plupart des tenues dont je rêvais à l’époque. Lors de la dernière East Tea Party, j’avais décidé de porter du vieux Moi-même-Moitié comme il se portait en ce temps-là, et je me suis vraiment trouvée bête. Je me sentirais probablement déguisée dans la tenue n° 5 de ce billet, et pourtant je la trouve très réussie. Par exemple, les collants blancs avec les plateformes noires, je n’y arrive plus. Ce n’est plus la façon dont je porte le style. On ressent toujours un petit pincement au cœur lorsque l’on se sent évoluer, j’imagine. Pour autant, j’aime toujours feuilleter mes vieux magazines, mais avec un peu plus de distance.


02. Porte ton armure, aie de la fierté.
Alicia Britt
Cette superbe émanation préraphaélite est une jeune Britannique dont l’un des projets est de créer une armure sur le thème d’Alice au pays des Merveilles, et lorsque je vis le résultat d’une séance photo autour de ladite armure, je fus instantanément conquise. J’aime le thème de l’innocence guerrière, alors mêler lolita et idéal chevaleresque représentait comme un rêve devenu réalité. Sans compter le travail sur le métal qui est tout bonnement superbe.


01. Sachi… encore.
Bon, heureusement, certaines choses ne changent pas : ceci reste toujours, même 14 ans plus tard, l’une de mes principales sources d’inspiration. Je continue de trouver cette tenue parfaite en tous points. Je remplacerais peut-être simplement le nœud par des fleurs, mais sinon oui, mille fois oui.

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Rendez-vous dans cinq ans donc, et nous verrons ce qui a changé entre temps…

lundi 28 septembre 2015

CCLVI ~ Tasses de thé

Je n’ai pas du tout le temps en ce moment de reprendre correctement mon blog-bis sur le thé (une pensée pour ce mort-né), mais j’avais tout de même envie d’écrire un peu sur cette divine boisson. Maintenant que mes réserves colossales ont diminué (j’en possédais presque 3 kilos il y a un an et demi), je me restreins à acheter un thé par mois, l’accordant ainsi à la saison, à l’humeur, bref, à la contemplation et à la réflexion. Voici ma sélection estivale, pour perpétuer le souvenir de son éclat alors qu’octobre approche.


JUILLET

Pour fêter mes vacances dans le Sud, je me suis offert un thé vert dans une épicerie orientale de Marseille. Le mélange est assez aisé à reproduire (une pensée pour mes amies bricoleuses) : un bon gunpower, des pétales de rose et d’hibiscus, de l’anis étoilé, de la cannelle, des baies roses, des graines de cardamome, bref, un joyeux fourre-tout.

Fourre-tout avec des filtres ridicules pour cacher le caractère pourri de cette photo en basse luminosité.
J’ai du mal à apprécier les thés noirs épicés, qui m’écœurent très vite (sans doute parce qu’on leur ajoute presque systématiquement des agrumes, à la Russe), mais les thés verts et piquants, eux, m’exaltent. En rentrant à Paris, un peu perdue et triste, ce fut un plaisir de me replonger dans mes aventures provençales, entre calissons, fleurs confites, et ce thé vert, donc. Je pense que tout le monde devrait avoir un de ces mélanges maison chez soi, pour les jours ténébreux.


AOÛT

Août est pour moi le mars de l’été, rude, sauvage, avec ses bourrasques imprévisibles et ses orages déchaînés. J’eus envie d'un mélange tendre et aquatique pour atténuer un peu toute cette violence, et je choisis le thé blanc Paï Mu Tan pêchers en fleurs, à la fleur de pêcher, de chez Dammann.

Avec un bourgeon qui se balade de temps à autre, histoire de. Puisqu’on vous dit que c’est du thé blanc.
Dammann, c'est un peu mon éternelle déception. Trop cher, trop artificiel, trop « je joue sur mon prestige ». Ce thé blanc n’a pas manqué à la règle. Le Paï Mu Tan est plutôt médiocre, complètement noyé sous les arômes qui lui furent ajoutés. La majorité des thés blancs parfumés sont vraisemblablement destinés à écouler des stocks de thés quelconques… Rien qu’en ouvrant la boîte, j’étouffe sous le parfum des fleurs, c’est le supplice d’Héliogabale dans du fer-blanc… Bref, je boude Dammann. Mais je me connais, je leur céderai encore, comme souvent. Celui-ci sera peut-être différent des autres…


SEPTEMBRE

Lorsque l’on visite Strasbourg et que l’on est gourmand, on va au fond du jardin (oui, nul n’a le choix). Là-bas, on se sent sous le charme du décor, des madeleines, et de la sélection de thés maison. Si, le jour de ma visite, je me laissai tenter par le parfum des roses, je choisis de rapporter dans mon agonie estivale et parisienne un mélange thé noir/thé vert (quitte à tomber dans l’hérésie des thés parfumés, j’y chute à fond), lui-même mêlé à des prunes compotées et à de la cannelle… Souvenirs d’écolier.

Ces filtres sont en fait un hommage déguisé aux années 70. Si, si.
Doux, cuivré, chaud, sans être un complet chef d’œuvre, il réconforte, mais surtout, ce qui est très appréciable, les parfums n’empiètent pas les uns sur les autres, et se répondent parfaitement. Si vous n’avez pas la chance de passer par le Grand Est, il me semble que la boutique livre également à domicile…


ET ENSUITE… ?

Cette année, pour l’automne, j’ai des envies mystiques (sans blague, entends-je dans mon doschut). Le thé d’octobre a peu de chances d’être parfumé, j’hésite entre un Lapsang Souchong bien corsé ou un bon et beau sencha, dont les vapeurs subtiles se suffiront à elles-mêmes. Pour novembre, je cherche des parfums lourds et amers, quant à décembre, ultime vertige avant le retour de la lumière… pourquoi pas du yuzu, pour accompagner les lassants zestes d’orange et de bergamote.

Si vous avez des suggestions, les commentaires vous sont grand ouverts !

samedi 26 septembre 2015

CCLV

Peut-on se réjouir de voir le lolita traité correctement à la télévision ? C’est la question que je me pose depuis hier soir, alors que notre ambassadrice Pom vient de remporter une édition des Reines du shopping. Autant je suis ravie pour elle, autant je suis franchement partagée sur les réactions sur le lolita que sa victoire engendre, et que l’on pourrait résumer par « Enfin ! le lolita n’est pas descendu en flèche par les médias », parfois même teinté de « Pour une fois ce ne sont pas les abruties mainstream qui gagnent » (mais cette dernière partie, franchement, ne vaut vraiment pas la peine que l’on s’attarde dessus tant elle témoigne à elle seule de sa petitesse).

(Sinon, cela fait presque dix ans qu’Arte parle de lolita sans jugement de valeur, mais ça… Cette chaîne du service public ne serait-elle pas assez mainstream pour que l’on daigne s’intéresser à son jugement ?)

Pourquoi ce « enfin » ? Était-ce réellement quelque chose que nous attendions depuis longtemps ? Ne pas être ridiculisées par la culture de masse ? 

Parce que nous avions besoin de cette approbation… ? Sommes nous donc si sensibles que cela à l’avis du plus grand nombre ?

Je reprends ici un extrait d’un article que j’aime bien, et qui traite de la sexualisation du lolita :

I was showing off ‘Sugary Carnival’, which is a print by Angelic Pretty with marshmallow-twist lines that end in carousel horses around the hem.
“So what,” he asked, “is the idea that men want to eat it off you?”
“Er, no,” I told him, “lolita isn’t intended as sexual. I guess people can find it that, but to be honest, finding it sexual I find more than a little creepy.”
“Well,” he told me, eyebrows raised, “what do you think men are thinking?”
“I think nobody cares what men are thinking.”

Cette réponse (implacable !) peut s’étendre à tant d’autres domaines de la vie en société. La lolita ne s’habille pas pour être attirante, tout comme elle ne s’habille pas pour chercher une quelconque forme de justification de sa propre existence par le regard de l’autre. Il me semble dès lors complètement absurde de vouloir étendre l’expérience télévisuelle d’un individu (ici, donc, la charmante Pom), qui a décidé librement de soumettre son apparence vestimentaire au jugement d’un tiers, à toute une sous-culture. Symboliquement, ce serait terrible, et je suis vraiment surprise que personne ne l’ait relevé. Comme si une voix enjouée s’écriait « Nous n’avons besoin de l’accord de personne pour exister » puis, plus timidement, « mais… ».

De plus, qu’une jeune femme avec un style particulier ait remporté un concours en étant jugée sur les mêmes critères que les autres… N’est-ce pas simplement normal ?

Je continue d’espérer que l’âme du lolita n’aura pas besoin de se lover dans un moule extérieur à lui-même pour se trouver comme un parfum de légitimité. Il existe déjà par la beauté qu’il exhale, n’est-ce pas déjà incroyablement puissant ?

mercredi 23 septembre 2015

CCLIV ~ Marronniers

Cette rentrée 2015 est décidément passionnante. Comme je n’avais pas prévu de rester en France en cette période, je n’avais pas spécialement prêté attention aux différentes manifestations culturelles à venir, mais fichtre ! J’espère ne pas manquer de temps pour faire et voir tout ce que j’ai envie de faire et de voir.
En vrac, et pour vous allécher si vous passez par la capitale (oui, malheureusement ce billet est quelque peu centré sur Paris…) :
~ Florence du temps des Médicis à Jacquemart-André
~ Élisabeth Vigée Le Brun au Grand Palais
~ Splendeur et Misère de la prostitution à Orsay (qui me décevra sans doute comme toutes les dernières expositions d’Orsay, mais enfin, courtisanes, XIXe siècle, tout ça)
~ L’Estampe fantastique au Petit Palais (du Redon ! du Redon !)
… entre autres, évidemment. Un exposition de broderies coréennes à Guimet me tente également. Et Fragonard au Luxembourg… Et je n’oublie pas, plus près de moi, les expositions de François Amoretti aux Furieux (je suis déjà repartie avec un tirage, c’est terrible…) et de Délicate Distorsion.
Et pourquoi pas même descendre plus au sud afin de découvrir les collections du prince de Liechtenstein, à Aix. J’ai envie de soupirer devant Cranach, en ce moment !

Le spectacle vivant (quelle périphrase, je vous jure…) n’est pas en reste. Denis Podalydès monte Lucrèce Borgia en janvier à la Comédie-Française, et je suis très curieuse de voir le résultat. J’aime bien ce que fait Podalydès, généralement… Sans avoir à sortir de chez soi, Arte a mis en ligne des chefs d’œuvre du cinéma muet, et je compte bien profiter d’une soirée pluvieuse pour enfin regarder Le Cuirassier Potemkine, que je n’ai jamais vu, mais surtout…

… en novembre ouvriront les réservations pour Roméo et Juliette, chorégraphié par Noureiev, à l’Opéra de Paris, et ceci, ceci, fait déjà battre bien fort mon petit cœur. J’ai déjà vu cette mise en scène il y a bientôt quatre ans, et je pense, presque sans exagérer, que ce fut le plus beau spectacle auquel j’ai pu assister de toute ma vie, aussi violent, presque, que mon souvenir du Requiem de Dvorak, mais plus gracieux, plus subtil. Si je ne devais recommander qu’un seul ballet de toute ma vie, ce serait sans nul doute celui-ci.

Bref, beau temps pour être en vie. Et en plus, aujourd’hui, c’est l’automne.

mercredi 16 septembre 2015

CCLIII ~ Liane

« [...] La Torpille est infiniment mieux que tout cela ; vous avez tous été plus ou moins ses amants, nul ne vous ne peut dire qu’elle a été sa maîtresse ; elle peut toujours vous avoir, vous ne l’aurez jamais. »
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes



Tant de légendes, de fantasmes, se dissimulent derrière la figure de la Grande Horizontale, cette femme qui bâtissait sa fortune et sa renommée en spéculant sur sa seule possession : elle-même. Alexandra Banti dédie toute une partie de son travail à cette être fascinant qui, pour parvenir, se rendait tout à la fois paria et indispensable. Et me voici donc, grâce à elle, glissée le temps d’une après-midi dans la peau de Liane de Pougy, l’une de ces figures féminines incontournables de la Belle Époque, tour à tour fragile et impitoyable femme d’affaires. 


« Vous voilà donc, avec la superbe du lys, la chaîne du joyau autour du cou !
 — C’est que, monsieur, j’y travaille. »

Splendeur des longs colliers de perles et misère des dentelles secrètes, où nichent peut-être parfois peurs, frustrations et dégoûts. « Imagine que tu viens de passer la nuit avec un vieux dégueulasse qui sent mauvais », en voilà une directive ! Mais que ne ferait-on pas pour une place au soleil… Ici au moins, l’arrivisme est esthétique. Qu’il est beau, déchirant, méprisable, ce XIXe siècle !





Un peu de couleurs, pour finir…


La robe est une vieille Gunne Sax qui évoque des rêveries édouardiennes, les bijoux sont faits-main ; quant au chapeau, il a été réalisé par Merveilles, dont je ne peux parler qu’en bien, tout en brandissant fièrement l’étendard de la jeune création française (si, si).



Et, parce que je l’aime bien, je vous renvoie au Lotus d’Ébène de l’an passé, autre songerie sur ces femmes vendues au tout-puissant dieu du capital, par nécessité, duperie, ou convoitise. 

dimanche 13 septembre 2015

CCLII ~ Divagations en passant par la Lorraine (et puis même en poussant encore un peu à l’est)

J’ai passé les deux premières journées de septembre à Strasbourg, ville dont je suis instantanément tombée amoureuse. Il me semble n’avoir jamais vu plus bel écrin pour l’été finissant, ou pour le début de l’automne, entre ses façades colorées comme des confiseries, la flèche de la cathédrale se déployant dans un ciel mélancolique, son musée Alsacien (découvert grâce à Oe Nothera), et tant d’autres merveilles qui me donnèrent l’impression de me trouver dans un récit fantastique pendant un peu plus de trente-six heures. La douce présence de mes amies Mi et Célia ne fut sans doute pas étrangère à cette ambiance mystique.

 Ce morceau que j’écoute en boucle depuis plusieurs jours résume assez bien ce que j’ai pensé de Strasbourg, en fait.

Le musée Alsacien est une superbe pépite, dont je ne peux que recommander la visite à ceux qui passeraient dans la ville. Inauguré au début du XXe siècle afin de mettre en valeur l’artisanat traditionnel de la région, il reproduit minutieusement les pièces principales des maisons bourgeoises ou paysannes et expose meubles, bijoux, moules à gâteaux, et j’en passe. J’y appris l’existence du coffret de courtoisie, une boîte à multiples tiroirs que les jeunes Alsaciens offraient à leur fiancée afin qu’elle y range ses bijoux, ses rubans, ses trésors (j’imagine des feuilles de sauge et des bonbons à la mirabelle).

Comme ce joli modèle créé par Oe Nothera.
En retour, les jeunes filles offraient des flacons à eau-de-vie, où étaient souvent peints de petites scènes d’amour et des phrases tendres. Ainsi, celui qui buvait pour oublier se rappelait quand même qu’il était fiancé. Malin, malin.


Ce bref séjour dans l’est de la France avait pour prétexte ma participation au Modern Doll Fest à Nancy, dont je parlai un peu plus tôt en août (dans un mois, Vienne, avec encore un prétexte caché derrière). Je garde malheureusement très peu de souvenirs de la convention, brisée que j’étais par la fatigue et une migraine tétanisante, mais enfin ! J’étais exposante pour la première fois et notre table était belle, que demander de plus. J’ai même réussi à agrandir ma collection d’illustrations originales en me précipitant sur un dessin de Maruka, dont j’ai découvert le travail voilà quelques mois, et dont j’apprécie beaucoup la finesse du trait.

Mon nouveau joujou.
L’autre jolie bête. Photo de Charlotte.
Si le musée Alsacien me semble être un passage obligatoire à Strasbourg, je dirais que le musée de l’École de Nancy est un passage obligé dans la vie de chacun. Je  m’y suis rendue en pèlerinage lors de mon deuxième jour en Lorraine. Il se niche dans un bel appartement qui appartenait à l’un des mécènes de l’école d’art nouveau nancéien, et l’on croirait pénétrer dans la demeure d’une enchanteresse. La pièce qui m’a le plus marquée fut sans doute la salle de bains, avec ses fresques, ses poteries recouvertes d’algues et de coquillages factices sculptés dans de la pâte de verre, qui livrèrent leurs renflements délicats et nacrés à mon œil fasciné. J’ai pleuré devant une tête de lit représentant deux phalènes, l’un de l’aube et l’autre du crépuscule, où brillaient des éclats d’opales, et les surveillants de chaque salle m’observaient, mi-émus mi-moqueurs, passer d’une pièce à l’autre en tentant d’étouffer des cris d’émerveillement.


L’un des trésors que je rêvais de voir n’était malheureusement pas exposé, à cause de sa fragilité, mais en voici tout de même une photo, car le monde doit savoir :

Bord de rivière au printemps, un poème de soie.
 L’idée de poème vestimentaire trouve tant d’écho en mes pensées, en ce moment.

Et voici un joli poème de chevelure réalisé par mon amie Chloé-Kourai.

Une croix de Lorraine et Amphitrite by night sur la place Stanislas. Entre autres points culminants de mon passage à Nancy, des glaces à la noisette, un bouquiniste, des conseils vestimentaires donnés par une prostituée à deux heures du matin, quelques pièces du musée des Beaux-Arts. Par exemple, un Enlèvement d’Hélène en costumes Renaissance.

Exécuté par Mathis Gerung autour de 1530, image trouvée sur Flickr, parce que je n’avais pas mon appareil photo avec moi ce jour-là.
Ce détail est lui aussi une image volée. Mais d’autres jolis tableaux se cachent derrière ce lien.
Ce musée des Beaux-Arts est d’ailleurs drôlement bien fichu, avec une scénographie claire et joliment mise en scène, sans surcharges. Et puis, fichtre ! On y trouve des pièces superbes, telle cette Annonciation de Caravage devant laquelle je suis restée en adoration pendant de longues minutes.


Et ainsi, la seule chose à laquelle je pense, depuis que je suis rentrée, est à une jolie façon de traduire en français l’idée de wanderlust.

mercredi 9 septembre 2015

CCLI ~ La Métamorphose

Je fus jadis amoureuse de la beauté des jeunes
hommes, et le souvenir de leurs paroles, jadis, me tint
éveillée.

Je me souviens d'avoir gravé un nom dans l’écorce
d’un platane. Je me souviens d’avoir laissé un morceau
de ma tunique dans un chemin où passait quelqu’un.

Je me souviens d’avoir aimé… O Pannychis, mon
enfant, en quelles mains t’ai-je laissée ? comment,
ô malheureuse, t’ai-je abandonnée ?

Aujourd’hui, Mnasidika seule, et pour toujours,
me possède. Qu’elle reçoive en sacrifice
le bonheur de ceux que j’ai
quittés pour elle. 

Pierre Louÿs, in Les Chansons de Bilitis.

dimanche 6 septembre 2015

CCL ~ Divagations autour du Sweet Girly

Après avoir posté les images issues de notre séance inspirée par le magazine Larme, je me suis replongée un peu dans l’univers du sweet girly, par nostalgie (déjà), mais je pense finalement que le philtre agit encore un peu sur moi. Comme souvent avec les styles nippons, je m’en étais éloignée passablement agacée par l’aspect de plus en plus superficiel des publications, mais enfin ! 

Hier soir, j’ai donc regardé l’épisode de Kawaii i consacré au sweet girly (je songe à créer des pin’s « j’ai survécu à la voix off »), et outre avoir été bien amusée par la transformation de Mila en zombie, je retombai totalement sous le charme de l’univers de Larme et de sa superbe ambassadrice Risa Nakamura.

J’ai reçu la flèche de Cupidon en plein cœur, mais je reste stoïque.
Je découvris le fameux magazine voilà deux ans, lors de mon premier voyage au Japon, et je tombai instantanément sous le charme de la ligne éditoriale mêlant rêveries préraphaélites modernisées et inspirations féministo-féminines des années 1960/70 (si je pensais trouver un jour une publication pour jeunes femmes qui consacrerait une double page à l’esthétique de Portier de nuit… !). La jeune femme aime les couleurs pâles, les motifs naïfs, mais possède une part d’ombre qui achève de la séparer totalement du monde de l’enfance. Une sorte de lolita du XXIe siècle, mais avec un penchant bien plus assumé pour la sensualité du corps féminin – mais, et c’est ce qui est chouette, une sensualité qui n’est jamais tournée vers l’approbation masculine.


Cutie, été 2015.

J’aime à me dire que, de façon différente, le lolita et le sweet girly mettent en scène des femmes libres, qui assument leurs choix esthétiques jusqu’à en faire un mode de vie dont elles sont seules maîtresses. Tout comme dans le lolita, l’on retrouve alors une gradation de femmes qui aiment le pastel au point de décorer leur chambre avec des châteaux de princesse et les autres qui, euh… aiment les crânes et regarder Portier de nuit ?

 Rose Marie Seoir.

Mais évidemment, comme pour tous les styles qui deviennent un peu populaires, l’obsession de la marque a lentement commencé à prendre le dessus sur l’esprit du style, laissant le champ libre à des tenues moins originales, moins indépendantes, justement. C’est peut-être un paradoxe que d’affirmer que l’esprit prime, à mon sens, autant que le vêtement dans le choix d’un style (d’où l’importance de l’humeur, de l’ambiance, pour s’exprimer pleinement à travers une tenue), mais je ne comprendrai décidément jamais comment, à partir du moment où l’on a choisi de se démarquer (l’étymologie est assez parlante, tout de même…), d’affirmer la création d’un univers à travers soi, l’on peut retomber dans des travers aussi grossiers que ceux qui gangrènent l’indépendance culturelle de la modernité. L’omniprésence de Disney, par exemple, que ce soit dans le lolita ou dans le sweet girly, commence sérieusement à me gonfler.


D’où, j’imagine, mon éternelle nostalgie pour les débuts maladroits, ceux qui tentent déjà de s’inventer par eux-mêmes avant de se chercher chez les autres. Le Japon est certes un cas particulier, tant le consumérisme y est devenu partie intégrante de la vie quotidienne (et ce jusqu’à l’écœurement), mais ce n’est pas parce qu’une riche idée suit, à des milliers de kilomètres, une pente chagrine qu’il est nécessaire de lui ôter toute considération, ou qu’on ne peut pas la réinventer soi-même. De plus, l’achat de vieilleries et le fait-main permettent souvent des merveilles… (tout comme pour le lolita, d’ailleurs).


Si je devais imaginer une éthique du sweet girly, je dirais que, contrairement au lolita, son esprit se traduirait par un ancrage plus fort dans la vie quotidienne. Là où le lolita se repaît de contes de fées, le sweet girly étudie les figures féminines fortes des films de Godard (cf Larme itself). Elle joue plus facilement avec les aspérités de la réalité contemporaine, et parvient à s’en satisfaire, sans pour autant renier ses idéaux, grâce à une certaine souplesse d’esprit, ni totalement parvenir à se détacher de la mélancolie maladive d’un Virgin Suicides. Il existe toujours un peu du poison, de la sorcière en elle…

Quelques liens utiles, intéressants, ou simplement jolis :

~ Un article Japacolle
~ Un article sur le blog de Chieko, adepte française du sweet girly
~ Un Tumblr dédié au sweet girly

Et un peu de musique légère pour finir.

Transparent White Star