lundi 29 juin 2015

CCXXXVIII ~ Odalisques

Il existe deux choses qui m’exaspèrent profondément en ce monde : les grosses chaleurs estivales, et les personnes se plaignant de la météo. Alors qu’en cette fin de juin nous frôlons les 40° C pour mon plus grand désespoir, je me trouve du même coup face à ma terrible destinée : souffrir en silence, pour continuer, en hiver, de me plaindre de ceux qui se plaignent.

Ma nouvelle raison de vivre est donc devenue la recherche de la fraîcheur, et rien ne m’évoque mieux cette sensation qu’une odalisque alanguie, curieusement. Le pied reposant nonchalamment dans un bassin d’eau florale, le corps nu contre le marbre frais, une coupe de sorbet où je plongerais le doigt… Si le fantasme du harem m’a toujours violemment hérissé le poil (le vieux souverain qui vient faire son choix parmi ses choses pour se sentir puissant, merci bien), celui de l’opulente salle d’eau à l’orientale, lui, a depuis longtemps fait son chemin dans mon esprit. Je me dis depuis des années que lorsque je serai riche à millions, je me réserverai une pièce dans mon manoir (oui) qui serait entièrement faite de marbre, avec des colonnes imitant les temples antiques, des mosaïques d’or qui reproduiraient mes passages favoris du Cantique des cantiques, des orchidées, du jasmin, des pivoines, de l’eau de fleur d’oranger, des livres et une harpe.

Pour le moment, je ressemble pas mal à ceci… espérant un jour ressembler à cela.

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Georg Pauli ~ Le Bain romain, Odalisque (1881)
Guillaume Seignac ~ Indolence
William Clarke Wontner ~ La Danseuse (1903)
?
John William Godward ~ Dolce Farniente (1904) – j’avais oublié les nénuphars…

lundi 15 juin 2015

CCXXXVII ~ Mignonne, allons voir si la rose

(Je suis presque persuadée d’avoir déjà appelé un billet ainsi, mais qu’importe.) 
 

Hier dimanche, je m’en fus visiter pour la première fois la roseraie du Val-de-Marne, désireuse d’attendre le joli mois de juin (si) pour observer les roses dans leur plus belle floraison.

Champagne Champêtre !
Quelques roses Jéricho.
Abeilles et bourdons extatiques vrombissaient de toutes parts, comme fous, entre ces fleurs joliment offertes.

Roses Botticelli, récente création de 2004, et rares roses modernes à trouver grâce à mes yeux.
Cette belle balade m’aura permis de découvrir plusieurs choses. Tout d’abord, que je préfère amplement les buissons de fleurs modestes, réunies en farouches grappes, que les roses exubérantes de taille démesurée. Les espèces dites « rugueuses » m’ont particulièrement plu, couvertes d’épines tout le long de leurs branches : la fleur ne se laisse pas cueillir aisément, elle se mérite (non mais !)…

… mais aussi qu’une rose qui vient tout juste de dépasser les quelques jours où elle se trouvait au comble de sa beauté possède des charmes qui me troublent beaucoup. Sublime lutte entre le froissement velouté des pétales jeunes et vivaces, et la soie affaiblie de ceux qui ont déjà offert au monde tout l’éclat de leur fragilité !

Les Bagatelles portaient, ma foi, parfaitement leur nom.
Et la nature me semble ici bien proche de la perfection.
Des roses Donau.
Le sujet m’enflamme, je me contiens. Ces roses ternies m’évoquent tant de rêveries. 

Mon coup de cœur va aux Fragezeichen, pas seulement pour le nom germanique (pas seulement), surtout pour leurs nuances si particulières, à mi-chemin entre le bonbon et la baie toxique. Bicolores, mouchetées, odorantes, adorablement pernicieuses.

Si un jour j’en ai le courage, j’en ferai pousser par dizaines, et je noierai le visiteur dans leurs effluves.
Bref, on ne parle jamais assez de fleurs, et j’aime à faire mentir Ronsard…

…alors j’ai déposé de belles et vieilles fleurs aux pieds d’une sculpturale nymphe, et je m’abandonne à présent aux caprices du temps qui passe.

vendredi 12 juin 2015

CCXXXVI ~ La cage aux oiseaux


Voici une série que j’aurai mis bien du temps à poster, sans doute parce qu’elle se suffisait si bien à elle-même que je ne parvenais plus à trouver les mots pour la présenter. Lorsque je fis voir cette superbe robe Linda Friesen/4 O'Clock à Alexandra Banti, elle me montra tout de suite des photographies de Sarah Moon, pour leur ambiance un peu passée, presque salie, parfois même floue, et nous voulûmes nous en inspirer pour notre cage aux oiseaux.


« Loin de moi et semblable aux étoiles et à tous les accessoires de la mythologie poétique,
Loin de moi et cependant présente à ton insu,
Loin de moi et plus silencieuse encore parce que je t’imagine sans cesse,
Loin de moi, mon joli mirage et mon rêve éternel, tu ne peux pas savoir.
Si tu savais.
Loin de moi et peut-être davantage encore de m’ignorer et m’ignorer encore.
Loin de moi parce que tu ne m’aimes pas sans doute ou, ce qui revient au même, que j’en doute.
Loin de moi parce que tu ignores sciemment mes désirs passionnés
Loin de moi parce que tu es cruelle.
Si tu savais.
Loin de moi, ô joyeuse comme la fleur qui danse dans la rivière au bout de sa tige aquatique, ô triste comme sept heures du soir dans les champignonnières.
Loin de moi silencieuse encore ainsi qu’en ma présence et joyeuse encore comme l’heure en forme de cigogne qui tombe de haut.
Loin de moi à l’instant où chantent les alambics, l'instant où la mer silencieuse et bruyante se replie sur les oreillers blancs.
Si tu savais.


Loin de moi, ô mon présent tourment, loin de moi au bruit magnifique des coquilles d’huîtres qui se brisent sous le pas du noctambule, au petit jour, quand il passe devant la porte des restaurants.
Si tu savais.
Loin de moi, volontaire et matériel mirage.
Loin de moi, c’est une île qui se détourne au passage des navires.
Loin de moi un calme troupeau de bœufs se trompe de chemin, s’arrête obstinément au bord d’un profond précipice, loin de moi, ô cruelle.
Loin de moi, une étoile filante choit dans la bouteille nocturne du poète. Il met vivement le bouchon et dès lors il guette l’étoile enclose dans le verre, il guette les constellations qui naissent sur les parois, loin de moi, tu es loin de moi.
Si tu savais.
Loin de moi une maison achève d’être construite.
Un maçon en blouse blanche au sommet de l’échafaudage chante une petite chanson très triste et, soudain, dans le récipient empli de mortier apparaît le futur de la maison : les baisers des amants et les suicides à deux et la nudité dans les chambres des belles inconnues et leurs rêves à minuit, et les secrets voluptueux surpris par les lames de parquet.
Loin de moi,
Si tu savais.
Si tu savais comme je t’aime et, bien que tu ne m’aimes pas, comme je suis joyeux, comme je suis robuste et fier de sortir avec ton image en tête, de sortir de l’univers.
Comme je suis joyeux à en mourir.
Si tu savais comme le monde m’est soumis.
Et toi, belle insoumise aussi, comme tu es ma prisonnière.
Ô toi, loin de moi, à qui je suis soumis.
Si tu savais. »
(Si tu savais, Robert Desnos)

lundi 8 juin 2015

CCXXXV ~ Crescent


Mon plaisir à parler de jeunes marques indépendantes qui me plaisent me semble grandissant, surtout lorsque ce sont deux chères amies qui se cachent derrière un bien joli logo.

Crescent est née de l’imagination et du talent de Rehem et Clafoutea, deux lolitas dont les inspirations s’enracinent aussi bien dans la J-fashion que dans l’art européen, plus particulièrement l’Art Nouveau et le Symbolisme.
Les demoiselles jouent ainsi, pour leurs deux premières collections, avec les fleurs, les étoiles et le bizarre – ce qui n’est pas du tout dans mes goûts. Du tout. 

Premiers aperçus de la collection-capsule céleste : je suis vendue.


Des fleurs et des yeux : vendue, à nouveau.

Ce petit collectif plus que prometteur débutera la vente de ses créations lors de la prochaine Japan Expo, et à mes yeux il vaut bien quelques heures de queue et un peu de foule : voilà à quel point je suis conquise.


Pour un peu plus d’informations venant des créatrices, et d’autres photos :

samedi 6 juin 2015

CCXXXIV ~ À moins de trois semaines du quart de siècle.

Ces derniers jours, je passe mon temps en compagnie de quelques lubies.

(J’en blâme Nicolai, à tort ou à raison.)

 Malheureusement, on ne fait pas toujours ce que l’on veut dans la vie.

Heureusement, mon anniversaire approche.

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Si je devais lancer mes caprices au ciel en espérant que la Fortune les recueille, je me demande bien si j’en sortirai chanceuse. Mes souhaits sont décousus, erratiques.
Disons que, par exemple, j’aimerais passer cette date fatidique perdue sur une île du Pacifique, la chevelure lourde de tubéreuses encore inconnues, à marcher sur une plage de sable noir… croiser une ombre qui m’indiquerait une route invisible, camouflée par des herbes gigantesques, au bout de laquelle je trouverai une noix de coco fendue, emplie d’un thé millénaire dont on ne peut boire qu’une gorgée sous peine de devenir fou.
(Je ne sais si je serais capable d’obéir.)

Et, pour mes 25 ans, j’aimerais que l’on m’emmène sous une cascade d’eau de rose qui transforme chaque cicatrice en pétale d’or, et chaque veine du corps en améthyste. 

Bref, mon quart de siècle serait délicieux si je pouvais m’extraire, pour un jour ou à jamais, de ce qui empoisonne l’homme contemporain. Je produis des dizaines de ces rêveries par jours, qui ne servent à rien, qui s’évanouissent dans le tombeau des idées, et, pour me punir d’espérer, l’existence m’écrase.

 « Loin de moi, ô joyeuse comme la fleur qui danse dans la rivière au bout de sa tige aquatique, ô triste comme sept heures du soir dans les champignonnières. » (Desnos.)


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Si je devais être réaliste (tu parles), je me contenterais d’une pièce saturée des vapeurs du matcha ou du basilic, un parfum frais mais obsédant, avec des livres, des centaines de livres, des livres sur tout, déposés là par hasard ; planches entomologiques, gravures religieuses, poésie obscène, romans sentimentaux, récits de guerre et d’aventure, manuels de linguistique et philosophie occulte ; et j’aurais le droit de conserver éternellement tous ceux qui provoqueraient chez moi un sourire d’extase. 
Au centre, une méridienne recouverte de soie pourpre, pour lire tranquillement ; contre ma peau une robe de velours, à la traîne démesurée, et un couple de lucanes ébène jouerait dans mes cheveux.
Des litres de thé dans des samovars rutilants, et pour seule musique celle d’une fontaine où nageraient quelques carpes, et d’où émergeraient quelques lunes d’eau.

Ah… !

Mais à dire vrai, l’opulence ne me tente pas réellement. Elle est une simple façon de voyager. Comme la solitude.

« Loin de moi, une étoile filante choit dans la bouteille nocturne du poète. Il met vivement le bouchon et dès lors il guette l’étoile enclose dans le verre, il guette les constellations qui naissent sur les parois, loin de moi, tu es loin de moi. » (Desnos, toujours.)

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Dès lors, s’il me faut vivre dans ce monde où la matière s’est imposée en maîtresse absolue, je dompte le mal en allégeant ma bourse. Je me suis gâtée, pour mes 25 ans. Peut-être trop ; un quart de siècle est-il vraiment l’occasion de célébrer le gâchis ? Folie du cycle des incarnations, vite ! que j’apprenne ma leçon, et que je m’enfuie.

Avec de belles nouvelles chaussures aux pieds. Merci Jeffrey Campbell. Remercions aussi Atelier BOZ, Juliette et Justine, Moi même Moitié, et quelques inconnus sur Etsy. Alice Auaa attendra encore un peu ; je ne suis pas Crésus, non plus.
Transparent White Star