mercredi 28 mai 2014

CLXVI ~ Kant souvenirs de Bretagne (première partie).

Ces derniers jours, j’ai donc rendu visite à mon amie Shimi en terres bretonnes. Je n’avais posé le pied en Bretagne qu’une seule fois, il y a déjà près de quinze ans ; c’était donc l’occasion pour moi, en plus de revoir une excellente amie, de faire de nouvelles découvertes.

(Par exemple, cent, en breton, se dit kant. Je savais déjà que « dentelle » se disait kant en flamand, je peux donc aujourd’hui fièrement baragouiner Kant kant Kant, que je traduis par « Les cent dentelles de Kant », et qui à défaut de vouloir dire quelque chose a le mérite de me faire beaucoup rire.)

Ainsi, je suis arrivée à Quimper après un trajet assez chaotique et éprouvant de plus de six heures, mais Sa-Shimi a su trouver les mots pour me remettre d’aplomb malgré la fatigue du voyage.

« Allez viens, je t’emmène voir la mer. »

La mer, évidemment, la mer ! Ou l’océan, qu’importe. Je réalisais mal que la dernière étendue d’eau salée que j’avais pu voir était ce Pacifique glauquissime du littoral touristique japonais, et que cela faisait déjà un an et demi que je n’avais pas au moins glissé mes chevilles entre les vagues. Le temps de dîner, de laisser place aux cajoleries des retrouvailles, de flâner un peu dans les rues de Quimper, et la nuit avait depuis longtemps recouvert le ciel de son voile de ténèbres. Nous sommes parties pour Bénodet vers minuit. Je trépignais.

Mais avant tout, un coupe-gorge quimpérois.
Pour notre première rencontre, l’Océan et moi sommes restés assez timides, le goujat s’est même montré glacial ; j’essayai d’y plonger mon pied dénudé, mais la morsure du froid me fit vite retourner sur le sable. Se mouiller à une heure du matin dans l’Atlantique au mois de mai, me dit Shimi, quelle idée ! Je fus trop gourmande. Mais les parfums qui m’entouraient m’enivraient déjà. Et alors que nous nous promenions le long de la plage, la lune nous berçait de sa rondeur, et ses douces lumières donnaient vie au gouffre aquatique qui se tenait devant nous, éveillant les vagues subtiles, les recouvrant des étoiles que l’on ne voit plus dans les ciels gâtés par les lueurs urbaines. Ce séjour m’offrait déjà plus que de lointaines promesses.
Nous vîmes trois renards trottiner le long des routes.

Et des scarabées. Des dizaines de scarabées. Je me demande bien d’où ils sortaient, ceux-là.

~~~

Une première vue de la ville le jour.
Le lendemain, toutes de noir vêtues sous un soleil flamboyant, nous sommes allées manger des crêpes. Je me suis décidée pour une garniture faite d’algues et de fromage, c’était vraiment délicieux. Je suis faible face à l’iode. Et nous avons continué à visiter la ville, dont la cathédrale Saint-Corentin (aux gargouilles parfois surprenantes), et le musée départemental breton (avec de belles statues de bois et des broderies traditionnelles).


(Un peu de cathédrale.)


J’ai obtenu certaines réponses à des questions que je ne m’étais jamais vraiment posées sur le costume traditionnel breton, à savoir la nature de la coiffe selon la région de Bretagne où l’on se trouve ou encore les différents types de broderies utilisés, ce fut très instructif.

Un bas-relief en albâtre du XVe siècle, qui représente un couple royal.
« Hein qu’ils sont meilleurs que ceux de Ladurée, hein. »
Nous sommes ensuite retournées à la plage, celle de l’Île-Tudy cette fois. La marée était haute, le sable coupant (la nacre est sournoise), on se serait difficilement crues en Bretagne si l’eau n’avait été si froide. Mais après avoir couru et sauté entre  les vagues, résister à leur appel devint de plus en plus ardu. « Qu’importe…! » est sans doute devenu ma nouvelle phrase de prédilection. Adieu robes d’été, et tant pis si l’onde mordait le mollet un peu trop vivement.

Joie !
Sentir la pression et le remous de la mer contre ma peau est véritablement l’une des sensations que je préfère au monde (et, pour citer Shimi, en réponse à mes insupportables pâmoisons : « Et dire qu’on vient de cette merde ! »).

~~~

Le lendemain, nous avions décidé d’aller visiter le château de Kerjean, un château finistérien du XVIe siècle qui abrite en ce moment une exposition sur la nourriture à l’époque de la Renaissance.


(Cette robe est décidément partout sur mon blog en ce moment. Mais en même temps, elle le mérite.)

Sur le chemin, en voiture, nous sommes tombées par hasard sur l’église de Bodilis, une merveille de gothique breton, avec sa façade de granit, son cimetière paroissial, et son décor superbe en bois peint plus que kitsch.
Nous ne nous attendions vraiment pas à trouver une aussi belle construction sur le trajet, nous nous sommes arrêtées là par hasard après avoir vu le clocher par la fenêtre de la voiture. C’est ce que j’apprécie, dans ce genre de voyages. La flânerie que permet le monde moderne est fascinante. N’importe qui peut décider de se perdre dans un lieu ou dans un autre, avec une relative sécurité (dans le monde occidental, du moins), découvrir paysages et monuments avec tout le plaisir de l’errance et de l’imprévu.


Et après une heure de route, le château !
D’après ce que j’ai compris, Kerjean a été minutieusement restauré à la fin du XXe siècle, après de longues décennies de tourmente. Les propriétaires terriens ne sont pas toujours tendres avec leurs biens ! Le musée en lui-même est assez ludique, avec beaucoup d’effets visuels, des vidéos, du contenu interactif ; en règle générale j’ai tendance à trouver ces pratiques lourdes et infantiles, mais ici ces méthodes étaient vraiment bien gérées et utilisées. L’exposition sur la nourriture était amusante et bien fournie. J’y aurai appris qu’à l’époque, le poulet se mangeait bouilli, les huîtres rôties, et la salade confite…

Les jardins du château vus d’une petite fenêtre.
Les cuisines… Oui, j’aime ce genre de plans.
(=^● ⋏ ●^=)
Un peu de vaisselle.
Ah ! Si j’étais riche…
Mais enfin ! Il se faisait tard, et je n’avais toujours pas vu la moindre vaguelette. Shimi avait prévu de m’emmener à Sainte-Anne-la-Palud, une plage assez proche de Quimper, et seul souvenir breton que je garde de mon enfance ; des kilomètres de dunes et de sable fin, et des couchers de soleil éblouissants.
Je ne sais si la fibre nostalgique fut la cause de mon émerveillement ce jour-là, mais cet après-midi restera l’un des plus idylliques que j’ai passés. L’océan, calme et plat, s’était gorgé de la chaleur du soleil, et son eau était délicieuse.


Nous plongeâmes avec plaisir, dérivâmes assez loin de la côte, nous éclaboussâmes, jouâmes, rîmes encore et encore, toutes à notre joie d’être ensemble dans un si joli lieu (et au passage, dites bonjour à la maison de mes rêves).



Je suis rentrée chez Sa-Shimi mon chapeau plein de sel et de coquillages.

Et nous sommes passées par Locronan au retour.
Mais enfin, mesdemoiselles ! N’en avez-vous pas eu assez ? L’air marin n’a-t-il pas suffi à vous épuiser, vous en fallait-il encore plus avant de trouver le sommeil ?
Non, la nuit des musées tombait ce soir-là, alors nous sommes parties visiter le musée des Beaux-Arts de la ville. Party hard au milieu des tableaux jusqu’à minuit et demi, ne manquait que le champagne (ou le chouchen, soyons beaux joueurs).

Jean-Honoré Fragonard, La Perte de la rose (1760). Ces petits amours, quels tombeurs.
Hubert Robert (sic), Fête de nuit à Trianon (1783 – bientôt, ça allait moins rigoler).
Fernand Lequesne, La Légende de Kerdeck (un titre qui sent bon le Bretagne, donc).
Mon préféré : Tempête sur les côtes de Belle-Île (1851), de Théodore Gudin.
Et un joli vase qui traînait par là (« Well hello, lovely. »)
J’ai cosplayé Shimi pour l’occasion.
Et en rentrant, épuisées mais heureuses, nous avons échoué devant Devdas, mon premier bollywood (aussi surprenant que cela pourrait paraître pour une vendue aux rêveries indiennes comme moi). Avec du sirop de rose et de la limonade.

Je m’arrête ici pour cette fois, à venir, une balade en bateau et une belle rencontre avec Ichi/Otome !

mardi 27 mai 2014

CLXV

Rentrée de Bretagne des embruns plein les cheveux, j’écris lentement le récit de mon voyage. Très lentement. Alors voici à nouveau un peu de hors-sujet.

Malgré son front lisible et son sourire jeune, il lui sembla que ce n’était pas d’hier qu’il éprouvait le sentiment vertigineux de la vie, et qu’il avait magnifiquement souffert autrefois, dans un passé.
Alors, avec un geste éperdu et comme écartant une draperie de ténèbres, il entra, chancelant, dans les vastes ombres.
Et il vit s’élever, avec lenteur, devant lui, dans ces mêmes ombres, comme un autre geste enveloppé de voiles ; il eut l’impression de deux bras qui se joignaient – oh ! douloureusement ! – autour de son cou. Une forme aux blancheurs radieuses attirait son front vers elle…, et ce fut l’essaim des pâles joies infinies, le tremblement des rêves divins, le supplice…
 Villiers de l’Isle Adam, Isis.

Elle revient, cette passion pour les textes obscurs, étouffants, des poètes qui font de la prose une chanson mystique ! Mes livres me manquent, je meurs d’envie de me plonger dans mon Nerval, de l’absorber goutte à goutte et goûter cette extase qui suit la lecture ; mon paradis artificiel. Déjà, j’ai recueilli quelques-uns de mes thés, autres de mes ivresses, mais mon Eau de Lune appelle le parfum de mes vieux ouvrages. Nerval qui écrivit sur la Lorelei, édition 1929, une senteur boisée quelque peu corrompue ; mon Crépuscule des Nymphes, cru 1911, en émane comme une odeur de roses… J’ai des envies de Louÿs, et de Huysmans, et de Villiers, de ce croupissement fin de siècle d’où s’élève la musique des mots que je préfère. Ne pas acheter de nouveaux livres m’est une torture. Quand ça me prend, je lis sur Gallica, au travail (on ne juge pas un drogué, merci), mais ces textes-là, non, il me faut les sentir. Je fais virtuellement la visite des bouquinistes, et je me lamente sur une édition 1900 des Chansons de Bilitis. 

Pense aux embruns, pense aux embruns.
Je viens de finir un essai sur l’instrumentalisation de la culture dans nos États post-modernes, et un passage m’avait frappée ; pour résumer rapidement (car je n’ai plus l’ouvrage sous la main, ce serait trop facile), l’auteur regrette que le traitement actuel des produits et biens culturels sacralise une nostalgie qui n’a pas lieu d’être (politique, mais qui dérive sur une exacerbation de la sensibilité/sentimentalité qui touche tous les domaines de la vie quotidienne, et qui crée du repli sur soi, sur son individualité) au lieu d’élever l’esprit par une confrontation avec une entité extérieure à soi-même, de provoquer une action, donc. La façon dont nous vivrions notre culture nous alanguirait, provoquerait ce contentement de soi qui ruine la pensée…
Je ne crois pas que cette façon de vivre la culture soit spécifique à notre époque (outre l’instrumentalisation qu’en fait la politique, mais je me détache de ce qu’écrit l’auteur de l’essai ici), chaque période historique a vu ses pédants précieux ravis d’eux-mêmes et de ce qu’ils pensent savoir, et le livre, souvent, devient une fin en soi, et un signe de supériorité. Je lis, donc je suis intelligent, tu n’as pas lu ceci, donc tu es digne de mon mépris. Or ce qui compte, en effet, ce n’est pas de lire, mais de se confronter, de faire en sorte que l’œuvre résonne plus fort qu’elle-même en nous, qu’elle ouvre des possibilités, des champs de pensées nouvelles. Chercher à s’élever, à s’émanciper, toujours, et traiter l’autre en égal, jamais en inférieur.

Ah, je m’interroge perpétuellement sur la nature de l’art, ses forces, son pouvoir, et je ne trouve aucune réponse ! Comme si je frôlais un mystère qui me dépasse, qui s’offre à moi sans jamais se laisser prendre, et je me perds un peu plus dans ces ténèbres où brillent mes étoiles, la plume à la main ; j’attends et je cours, je songe et je pleure. Je ne suis pas prête.

J’aimerais lire encore plus, mais la lecture n’est pas une course, fût-elle contre le temps lui-même. Je suis fascinée par certains auteurs, mais les sacraliser est sans doute nuisible. J’ai besoin de toucher pour aimer lire, alors que là n’est pas forcément l’essentiel… J’idolâtre, je matérialise, je vis ma lecture dans l’affect, et mon stupre est fait d’encre et de papier vieillis. Mais quelles délices !
Le grand dilemme de ma brève existence ; me lover dans la volupté, ou devenir sage. Mon idéal a quelque chose d’antique, un croisement entre la Chrysis de Louÿs et la Vestale. Mais avec plus de livres.

’Marzena Skubatz - The sea in me, 2013

mercredi 14 mai 2014

CLXIV ~ Juliette


Plusieurs semaines avant Enchanted, j’avais déjà revêtu ma merveille noire et dorée pour l’immortaliser avec Charlotte dans la sublime église de Saint-Étienne-du-Mont, place du Panthéon. J’avais dans la tête quelque chose de Renaissance, en plus moderne forcément. J’imaginais une Juliette qui attend son amant, et la mort, parce que dans ma tête s’égrenait la mélodie puissante et dramatique de l’ouverture de Tchaïkovski. Les tulipes blanches symbolisent l’amour extrême et idéal, purifié de tout vice ; elles ont atterri là presque par hasard, mais le hasard fait si bien les choses…

Photos : Cha Skurzak, robe : Clara Maeda.



(Parce que cette musique est parfaite.) 



mardi 13 mai 2014

CLXIII ~ Des souvenirs avec des gens dedans, en vrac.

Clafou-Chloé, Ludovic et Mila dans leur état naturel.

Ces dernières semaines, j’ai pu assouvir mes envies de neko-poses kawaii avec mes gentils amis, et bien d’autres choses aussi. Il faisait si beau, ces dernières semaines, que les sorties diverses et les rencontres entre lolitas se sont multipliées (la puissance du printemps renaissant, j’imagine).
J’ai même été sautiller avec Chloé et Camille au concert parisien de Kyary Pamyu Pamyu (et découvert une secte curieuse dont le gourou est un gros ours jaune). Kyary n’est pas vraiment ma tasse de thé musicale, mais je me suis bien amusée tout de même (oh, autant l’admettre après tout, j’aime bien quelques-unes de ses chansons).

Camille et… et… boudiou ! je ne sais plus, elles se sont bien cachées les demoiselles.
Fear them.
La même semaine, Myriam avait organisé un tea-time en l’honneur de la superbe québécoise Fanny-Rosie, de passage en Europe. Nous nous sommes retrouvées autour de la Concorde et avons marché le long de la rue de Rivoli, jusqu’à rejoindre un sympathique salon près de la Comédie Française.

Notre petit groupe.

Une tenue de mousquetaire croisée au salon de thé (attenant à la Comédie Française, ceci explique sans doute cela), et une statue accompagnée de son chapeau-pigeon. Oui, ce sont les deux seules photos que j’ai prises ce jour-là ; mais vous pourrez trouver des détails de bien belles tenues ici ou .

Coucou.
Et puis, une semaine plus tard, une amie de Mila nommée Michiko était elle aussi de passage à Paris. Cela valait bien un nouveau troupeau en vadrouille.


(Et de nouvelles poses intelligentes. Vous pouvez en voir d’autres ici et .)
(Oui, c’est un billet fainéant, tout à fait.)

Mila-mentablement tombée au sol, seule relique de cette journée que je possède, ne me jugez pas.
Nous avons joué à un qui-suis-je, en résulta cette photo que j’aime beaucoup ; mais ce qu’il faut regarder surtout, c’est cette couronne de fleurs séchées sublimes faite par Angeline.

Ce qui me permet une magnifique transition avec le défilé de l’école de stylisme d’Angeline auquel j’ai assisté avec Clafou-Chloé. Le thème de son groupe était Russian Mafia University.



J’étais heureuse de pouvoir voir enfin ce sur quoi elle a tant travaillé pendant plusieurs mois ! D’autres photos sont disponibles sur cette page, avec l’ensemble du travail des élèves. J’ai beaucoup apprécié également les thèmes autour de la robe rouge et autour des bois de cervidés.

Je pars quelques jours en Bretagne cette semaine, j’essaierai d’écrire quelque chose de plus construit à mon retour…
Transparent White Star