vendredi 29 novembre 2013

Lolita 52 challenge : October...

…presque à l’heure, donc.


Le principe consiste à répondre à une question par semaine, mais je préfère faire une division mensuelle pour ne pas trop polluer mon blog. Vous pouvez trouver la liste complète des questions sur le blog FylolitaAnd now, let's start !



October, week #40 : 5 inspirational fictional characters.

    ~ Emma Peel. Mon modèle, mon idole.


Elle est simplement parfaite. Belle à couper le souffle, intelligente, vive, spirituelle, athlétique, cultivée. Elle se passionne pour la psychologie, la physique atomique, la botanique, le tout en pratiquant l’escrime avec grâce et buvant son champagne avec élégance et espièglerie (un mélange tout de même difficile à accorder).
Mon goût personnel s’accorde souvent mal avec les vêtements des années 1960, mais je reste malgré tout sous le charme des tenues qu’elle porte, comme ce déshabillé évanescent dans un château en Écosse, son déguisement d’Oliver Twist lors d’un bal costumé (quel superbe garçonne !), ou cet ensemble de cuir et de piques qu’elle porte lors d’une soirée décadente hommage au Hellfire Club du 18e siècle…
Je connais tous les épisodes de Chapeau melon où elle apparaît par cœur, je les ai vus des dizaines de fois mais ne m’en lasse pas. Si, autour de mes 30 ans, je peux approcher un peu d’Emma, mon existence n’aura pas été vaine (rien que ça).

Juste pour le plaisir des yeux.

    ~ Natacha Rostov.

L’une des héroïnes de Guerre et Paix, sans doute celle à laquelle je m’identifierais le plus si je ne la trouvais pas aussi... héroïque. Héroïque dans un sens curieux d’ailleurs, car elle est belle, naïve, innocente, intelligente, sensible, des traits de caractère qui ne sont pas vraiment ceux des héros, d’autant qu’elle faute, stupidement, mais sa magnifique repentance en fait l’un des êtres les plus sublimes du roman. Et l’un des plus tristes, aussi.
L’un des thèmes auxquels je suis le plus sensible est celui de l’orgueil, qu’il soit assumé ou repenti. La figure des anges déchus me fascine, tout comme l’arrivisme forcené d’un Julien Sorel (d’autant que ce dernier a la particularité fort intéressante de puiser ses sentiments nobles du même orgueil qui le rend si insupportable) ; néanmoins le repentir désintéressé possède lui aussi bien des aspects prenants, tout comme l’emprise progressive de l’oubli de soi qu’une nature un peu faible expérimente face à la flatterie. Et c’est tout à fait ce qui arrive à Natacha.
Pour autant, ce en quoi elle m’inspire reste assez simpliste, contrairement à la complexité des passions qui la traversent au fil du roman. J’aimerais être la Natacha de seize ans, juste avant qu’elle ne rencontre ce terrible (mais superbe) Bolkonsky (qui a d'ailleurs une belle relation à l’orgueil lui aussi)(oui je suis une fangirl), celle qui ne se fond pas dans le moule de l’aristocratie russe non par snobisme mais par essence (avant d’être corrompue par un aventurier) et qui préfère regarder la lune en chantant de vieilles romances que d’aller dormir.
Je ne suis pas vraiment nostalgique de mon enfance ou de mon adolescence, sinon de quelques vagues réminiscences qui m’émeuvent avant de repartir aussitôt dans les méandres de la mémoire. L’enfance, ça craint, on ne vous prend pas au sérieux, et avec raison car vous êtes un enfant. En revanche je pense que l’éveil, ce moment où l’enfant foncièrement égoïste découvre sa petitesse face à la grandeur de ce qui l’entoure, doit être chéri et précieusement conservé. Sans émerveillement, la vie devient routine sournoisement meurtrière. Natacha apporte le sien à Guerre et Paix. Et de toute la puissance de mon orgueil, c’est ce que je souhaite apporter à mes proches et au monde qui m’entoure.

   ~Tomoyo/Misato.


Je les mets toutes les deux dans le même sac car elles se ressemblent beaucoup – plus vaguement peut-être pour leur style vestimentaire, bien que je trouve celui de chacune vraiment chouette. J’ai rarement vu des personnages secondaires aussi charismatiques. Si elles sont plus effacées que leurs héroïnes respectives, elles ont néanmoins un caractère suffisamment fort pour exister à leur côté – et ce en sachant s’effacer lorsqu’il le faut. Leur bonté et le soutien qu’elles apportent à ceux qu’elles aiment est sincère sans être mièvre.
J’adore leurs vêtements. J’ai peut-être un peu plus de réserve sur leur personnalité. Néanmoins, solitaire et pessimiste comme je suis, je me sens toujours mieux quand je pense à elles. Elles adoucissent un peu mes crises de défiance. Et je me dis que si je pouvais parfois adopter un peu de leur bonté, ce ne serait pas nécessairement une mauvaise chose. Si je les trouve parfois trop effacées pour être un modèle moral parfait (à la différence d’Emma Peel), leur douceur reste positive, car non dénuée de volonté. Et il y a les vêtements (Vivienne, mon amour !).

   ~ le professeur Layton.


Toujours élégant malgré son polo orange (c’est dire !) curieux, ouvert d’esprit, raffiné, courageux, le professeur est définitivement entré dans mon cœur depuis que je l’ai vu proposer à de parfaits inconnus une bonne tasse de thé réconfortante dans le deuxième opus de ses aventures.
Plus sérieusement, j’aimerais faire preuve d’autant de ténacité que lui, que ce soit dans la résolution d’énigmes (c’est toujours utile) que dans le reste.
(Je viens de finir le dernier jeu, ça a dû m’influencer dans ma réponse.)


October, week #41 : Fondest meetup memory.

Celui qui m’a le plus marquée était aussi le premier, et j’en parle déjà ici.


October, week #42 : The ways in which I fit the cliche.

Ah. Depuis le temps que je voulais répondre à cette question. Je la trouve vraiment très intéressante, car elle s’arrête sur un aspect du lolita qui rebute parfois certaines personnes, à savoir une forme de négation de l’originalité. J’ai toujours trouvé rigolo que jusque dans les modes souterraines, qui rejettent la masse d’une manière ou d’une autre, on retrouve cet instinct grégaire qui pousse à partager suffisamment de comportements similaires pour devenir des lieux communs.
Je suis toujours un peu attristée par les personnes que le cliché terrifie au point qu’il devienne un critère de sélection en matière de loisirs ou d’apprentissage (« mais tu ne vas pas faire ça, c’est trop cliché », « mais tu ne peux pas aimer ça, c’est trop cliché »), la peur d’être identifié dans un groupe que l’on méprise plus ou moins primant sur les autres goûts et les envies. Je trouve cette attitude aussi ridicule que celle qui consiste à aimer certaines choses parce que le groupe les aime et non par inclination personnelle. Et dans tous les cas, lorsque l’on pose la question « Penses-tu être un cliché ?», la réponse sera non 9 fois sur dix, parce qu’il est plus agréable de se sentir unique, même en faisant preuve de mauvaise foi.
De plus, se cacher derrière le second degré m’agace. Le second degré est simplement une façon de ne pas assumer ses choix en invoquant l’humour d’une façon que je juge déplacée. J’ai beaucoup d’auto-dérision, mais toujours au premier degré.
Bref, il serait peut-être de temps de répondre à la question… Le cliché pour moi se scinde en deux : d’un côté le cliché de l’idéal à atteindre, de l’autre les petits défauts de celle qui essaie de l’atteindre, plongée dans un milieu de langues de vipères et de chiffons superficiels. J’ai donc réparti mes réponses selon cette division.
Cliché de l’idéal :
   ~ Je bois du thé.
   ~ J’écoute de la musique classique.
   ~ Je bois du thé en écoutant de la musique classique.
   ~ De manière générale, j’aime tout ce qui a trait aux XVIIIe et XIXe siècles (sauf la philosophie des lumières française, et spécialement Voltaire). Et je lis des biographies de Marie-Antoinette.
   ~ J’aime les macarons et les cupcakes.
   ~ Je vis dans un lieu pas mal envahi par les livres.
Cliché de la personne :
   ~ Ma relation avec l’argent est plutôt immature.
   ~ J’aime bien les potins.
   ~ J’aime le Japon.
   ~ J’ai un penchant pour l’esthétique homosexuelle (deux poupées qui se tiennent la main, tout ça).

Beaucoup de choses sur le paraître ici, qui reviennent souvent dans la bouche de certaines, même si pour moi le lolita est bien plus que ça. C’est avant tout un moyen, un cheminement esthétique. Peut-être est-ce un cliché également de penser cela ?


October, week #43 : The ways in which I do not fit the cliche.

Comme je n’avais pas vraiment d’idée, j’ai demandé à l’Ohm, et comme j’aime bien ce qu’il a dit, je le recopie ici.

« Pour ce qui est de l’éloignement du lolita, je dirais que tu n'as pas forcément peur de mettre la main dans le cambouis, pour ainsi dire. Tu es loin d’être précieuse, et lorsqu’il faut se tâcher ou suer pour parvenir à quelque chose qui te tient à cœur, tu n'hésites pas. Je pense notamment à la marche à Hakone ou à Kamakura. Ce n’est certainement pas une flaque d'eau ou même une mauvaise chute qui t’auraient arrêtée. Tu as toujours une part de garçon manquée en toi. D’autre part, je pense que tu es assez ouverte d’esprit pour apprécier quelque chose qui est totalement en dehors du lolita, voire même qui puisse s’y opposer. Je dirais que, d’une manière générale, tu sais détacher ta personnalité du lolita, et que si celui-ci a été, et est toujours un certain modèle, il est loin d'être le seul, et il n’est pas question pour toi de sacrifier quelque chose que tu trouves bon au lolita. Il y a beaucoup de liaisons, mais pas parce que tu veux te dire lolita, seulement parce que cela te correspond. Et donc, dans les cas où cela ne te correspond pas, tu n’as aucun scrupule à t’en détacher. Je pense, par exemple, aux fois où tu veux faire du mori, ou je ne sais quel autre style, même qui ne se retrouverait pas du tout dans la communauté. Tu vois toujours l’idée sous-jacente, et peu t’importe si c’est du lolita ou non. »

Je rajouterai par rapport à l’idéal que je n’ai pas du tout une jolie voix posée, que cela m’énerve, et que j’aimerais bien travailler dessus.


October, week #44 : How strangers react to my clothes, and how I react to their reactions.

(Je pars ici du principe que les réactions ne sont ni violence verbale ni violence physique, qui dans tous les cas sont inacceptables.)
Très franchement, si ce sont des inconnus, je m’en fiche un peu. Je ne vois même pas pourquoi ils auraient à réagir sur ma façon de m'habiller s’il ne me connaissent même pas ; néanmoins j’espère parfois pouvoir apporter un peu d’onirisme chez ceux qui s’ennuient.
Généralement je réponds poliment aux compliments, même s’ils m’agacent tout autant que les remarques négatives ; je préfère les sourires, façon discrète et non-invasive de signifier son appui, son approbation, son admiration même, pourquoi pas. Les relations humaines manquent de finesse, il faut parler, exhiber à haute voix, alors que l’on peut faire passer tellement d’émotions dans un non-dit.

mercredi 27 novembre 2013

CXXVIII ~ Otome Day Tea Party (chez moi).

L’an passé, sur Cotton Candy, Rehem avait eu l’idée de fêter un otome day sur le modèle du lolita day, et j’avais suggéré le 25 novembre, jour de la Sainte-Catherine, comme date. Cette année le 25 novembre tombait un lundi, alors nous avons avancé l’otome day d’un jour pour le fêter chez moi.


Nous étions huit ce jour-là, du jamais vu autour de ma table ; je craignais que l’on ne soit un peu à l’étroit mais finalement nous avons pu disposer douceurs et boissons sans encombre.


Nous n’avons pas pris beaucoup de photos (merci d’ailleurs à Clothilde pour celles-ci), trop absorbées que nous étions par nos papilles et la vraie vedette de la journée.


Malgré tout, nous avons trouvé le temps de jouer un peu au Times Up, avec une éclatante victoire de l’équipe Sarah/Clothilde et beaucoup de mimes embarrassants. Et comme le temps passe beaucoup trop vite lorsqu’on s’amuse, il était déjà l’heure de rentrer pour mes invitées.

Merci encore à ces demoiselles pour ce bon moment passé ensemble !

lundi 25 novembre 2013

CXXVII ~ Exposition ARAN chez Guiq’ Chaq

Deux ou trois articles devraient être consacrés à ma palpitante fin de semaine, et voici le premier d’entre eux, consacré au vernissage de l’exposition d’une illustratrice et modèle bien connue du monde lolita, j’ai nommé ARAN.
L’artiste n’était pas présente pour ce vernissage mais cet événement est néanmoins unique en son genre car jamais elle n’avait exposé en France jusqu’à ce jour. Des œuvres originales et inédites sont présentées au public, et sont également en vente pour des prix assez raisonnables (comptez entre 200 et 700 euros pour une illustration avec cadre et entre 150 et 650 euros sans cadre). Elle crée également des bijoux avec certains motifs inspirés de ses illustrations ainsi que des bougies (comptez alors entre 20 et 25 euros). Des cartes postales sont également disponibles.
Vous pourrez laisser un petit mot à l’intention d’ARAN que Mikiko (la gérante de la boutique Guiq' Chaq) se chargera de lui remettre lors de son retour au Japon.

La vitrine. Je veux une bougie, au passage.



Hormis les illustrations encadrées et accrochées, on peut feuilleter un porte-folio avec une demi-douzaine de pièces.




Gros plan sur les superbes bougies.
(Champagne !)



Merci à Mikiko et à son amie pour la préparation de ce vernissage ! L’exposition, quant à elle, se tiendra jusqu’au vendredi 6 décembre.

Boutique Guiq' Chaq
3 rue Mazet
75006 Paris - Métro Odéon ou Saint-Michel

La page Facebook de l’exposition

Et enfin, le site de l’illustratrice ARAN.

jeudi 21 novembre 2013

Random poupee girl appreciation VII ~ Evil Queen

Je vais moins souvent sur le site de Poupée depuis que les events ont été supprimés. Malgré tout, comme je trouve le principe d’une garde-robe virtuelle amusant et que ce jeu fait passer le temps au travail, j’ai décidé de m’imposer un thème et de faire cinq tenues en suivant ledit thème. Pour commencer : Evil Queen. Reine méchante, donc, sorcière, marâtre, et ainsi de suite.

Jour I : 



Jour II : Avec cette robe que j’adore, que j’ai mis tant de jours à avoir. Merci Yun, si tu passes par là.

L’association du vert et du violet est presque trop évidente pour ce genre de thèmes. Mais tant pis, j’aime cette combinaison.
Jour III : La sorcière dans son jardin.

Encore du vert. Chut.
Oui, c’est un peu… chargé.

Jour IV : Hear Cersei roar (faites semblant de ne pas voir le lampadaire et la plaque d’égout, nous sommes censés être dans un décor médiéval ici…)

Joffrey est bien mignon, tout à coup.
Jour V : L’habituel wtf de fin de semaine.


Merci de m’avoir lue !

lundi 18 novembre 2013

CXXVI ~ Des choses faites avec les mains.

Des choses plus ou moins récentes, d’ailleurs.

A l’occasion des photos prises avec Clothilde il y a plusieurs semaines, j’avais fabriqué une paire de boucles d’oreille plutôt chargées, inspirée du défilé Dolce & Gabbana A&W 2013/2014 (qui était l’un des fils conducteurs de nos photos).

Vous ne savez quoi faire de votre PEL ? Vous pouvez m’offrir ceci si vous le souhaitez... ça me fait plaisir de rendre service.

J’y ai passé pas mal de temps, et je trouve le résultat assez satisfaisant. J’avais créé une paire de faux-ongles pour l’occasion également.

On sent que je débute, j’ai collé un autocollant de travers.
~~~

Quelques jours plus tard, je suis tombée sur ceci dans un vieux GLB, et quelques heures plus tard, ça a donné cela :


J’espère pouvoir me le faire en noir également, mais me connaissant, l’idée va me sortir de la tête et revenir, avec un peu de chance, dans quelques mois…

Voilà ce que ça donne. La photo est très retouchée, certes (j’avais envie de selfies saturés très kitchs, bon, nous avons tous nos lubies), mais le rendu est assez proche de la réalité.
~~~

En vrac :


J’aime bien les ras-du-cou, alors j’en ai fait une petite dizaine. On ne voit pas grand chose sur la photo, mais je l’aime bien, alors voilà.


Les bois que j’ai fabriqués pour la soirée Halloween Game of Thrones (dont je n’ai pas parlé ici, honte sur moi), et où vous aurez deviné que j’étais de la maison Stark Baratheon. Je ne montre pas le résultat final car la mise en couleur m’a pas mal déçue ; au-delà de la précipitation dans laquelle je les ai achevés, je suis juste une coloriste affreuse. Combien de mes dessins ai-je gâchés par la mise en couleurs… cette malédiction s’étend donc à d’autres domaines du fait-main. Tristesse. Néanmoins, je les trouvais assez chouette à l’étape du papier mâché. D’où la photo.


D’autres babioles, pour écouler un lot de médailles religieuses que me suis acheté. Les fleurs sont des hortensias de soie sur lesquelles j’ai brodé un strass et des perles, mais je ne sais pas encore exactement quoi en faire. Les monter en broche, peut-être ?
J’avais envie de fleurs, de croix et de médailles consacrées, la faute au shooting principal du sixième numéro du magazine Larme, que j’ai découvert au Japon et que j’adore.


Quelques scans de qualité portable pour vous donner une idée.
J’ai les doigts qui fourmillent en ce moment, j’espère que je continuerai à être aussi productive, si ce n’est plus !

mercredi 13 novembre 2013

CXXV ~ Наташа и Андрей

Le prince André, obligé, par suite de ses affaires de tutelle, de se rendre chez le maréchal de noblesse de district, qui n’était autre que le comte Elie Andréïévitch Rostow, fit cette course dans les premiers jours de mai : la forêt était toute feuillue, et la chaleur et la poussière si fortes, que le moindre filet d’eau donnait envie de s’y baigner.
Préoccupé des demandes qu’il avait à adresser au conte, il s’était déjà engagé, sans s’en apercevoir, dans la principale allée du jardin qui menait à la maison d’Otradnoë, lorsque de joyeuses voix féminines se firent entendre dans un des massifs, et il vit quelques jeunes filles accourir à la rencontre de sa calèche. La première, une brune, qui avait la taille très mince, les yeux noirs, une robe de nankin, avec un mouchoir de poche blanc jeté négligemment sur sa tête, d’où s’échappaient des mèches de cheveux ébouriffés, s’avançait vivement en lui criant quelque chose ; mais à la vue d’un étranger, elle se retourna brusquement sans le regarder, et s’enfuit en éclatant de rire !
Le prince André éprouva une impression douloureuse. La journée était si belle, le soleil si étincelant, tout respirait un tel bonheur et une telle gaieté, jusqu’à cette fillette, à la taille flexible, qui tout entière à sa folle mais heureuse insouciance, semblait songer si peu à lui, qu’il se demanda avec tristesse : « De quoi se réjouit-elle donc ? À quoi pense-t-elle ? Ce n’est sûrement ni le code militaire ni l’organisation des redevances qui l’intéressent. »
Le comte Elie Andréïévitch vivait à Otradnoë comme par le passé, recevant chez lui tout le gouvernement, et offrant à ses invités des chasses, des spectacles, et des dîners avec accompagnement de musique. Toute visite était une bonne fortune pour lui : aussi le prince André dut-il céder à ses instances et coucher chez lui.
La journée lui parut des plus ennuyeuses, car ses hôtes et les principaux invités l’accaparèrent entièrement. Cependant il lui arriva à plusieurs reprises de regarder Natacha qui riait et s’amusait avec la jeunesse, et chaque fois il se demandait encore : « À quoi peut-elle donc penser ? »
Le soir, il fut longtemps sans pouvoir s’endormir, il lut, éteignit sa bougie, et la ralluma. Il faisait une chaleur étouffante dans sa chambre, dont les volets étaient fermés, et il en voulait à ce vieil imbécile (comme il appelait Rostow) de l’avoir retenu, en lui assurant que les papiers nécessaires manquaient ; il s’en voulait encore plus à lui-même d’avoir accepté son invitation.
Il se leva pour ouvrir la fenêtre ; à peine eut-il poussé au dehors les volets, que la lune, qui semblait guetter ce moment, inonda la chambre d’un flot de lumière. La nuit était fraîche, calme et transparente ; en face de la croisée s’élevait une charmille, sombre d’un côté, éclairée et argentée de l’autre ; dans le bas, un fouillis de tiges et de feuilles ruisselait de gouttelettes étincelantes ; plus loin, au delà de la noire charmille, un toit brillait sous sa couche de rosée ; à droite s’étendaient les branches feuillues d’un grand arbre, dont la blanche écorce miroitait aux rayons de la pleine lune qui voguait sur un ciel de printemps pur et à peine étoilé. Le prince André s’accouda sur le rebord de la fenêtre, et ses yeux se fixèrent sur le paysage. Il entendit alors, à l’étage supérieur, des voix de femmes… On n’y dormait donc pas !
« Une seule fois encore, je t’en prie ! dit une des voix, que le prince André reconnut aussitôt.
— Mais quand dormiras-tu ? reprit une autre voix.
— Mais si je ne puis dormir, ce n’est pas de ma faute ! Encore une fois… » Et ces deux voix murmurèrent à l’unisson le refrain d’une romance.
« Dieu, que c’est beau ! Et bien, maintenant, allons dormir.
— Va dormir, toi. Quant à moi, ça m’est impossible. »
On distinguait le léger frôlement de la robe de celle qui venait de parler, et même sa respiration, car elle devait s’être penchée en dehors de la fenêtre. Tout était silencieux, immobile ; on aurait dit que les ombres et les rayons projetés par la lune s’étaient pétrifiés. Le prince André avait peur de trahir par un geste sa présence involontaire.
« Sonia ! Sonia ! reprit la première voix, comment est-il possible de dormir ? Viens donc voir, comme c’est beau !… éveille-toi ! » Et elle ajouta avec émotion : « Il n’y a jamais eu de nuit aussi ravissante, jamais, jamais !… » La voix de Sonia murmura une réponse. « Mais viens donc, regarde cette lune, mon cœur, ma petite âme, mais viens donc !… Mets-toi sur la pointe des pieds, rapproche tes genoux… on peut s’y tenir deux en se serrant un peu, tu vois, comme cela ? 
— Prends donc garde, tu vas tomber. »
Il y eut comme une lutte, et la voix mécontente de Sonia reprit :
« Sais-tu qu’il va être deux heures ?
— Ah ! Tu me gâtes tout mon plaisir ! va-t-en, va-t-en ! »
Le silence se rétablit, mais le prince André sentait, à ses légers mouvements et à ses soupirs, qu’elle était encore là.
« Ah ! mon Dieu, mon Dieu ! dit-elle tout à coup. Eh bien, allons dormir, puisqu’il le faut !… » Et elle ferma la croisée avec bruit.
« Ah oui ! que lui importe mon existence ! » se dit le prince André, qui avait écouté ce babillage, et qui, sans savoir pourquoi, avait craint et espéré entendre parler de lui… toujours elle, c’est comme un fait exprès ! Et il s’éleva dans son cœur un mélange confus de sensations et d’espérances, si jeunes et si opposées à sa vie habituelle, qu’il renonça à les analyser ; et, se jetant sur son lit, il s’endormit aussitôt.

Léon Tolstoï, La Guerre et la Paix : roman historique. deuxième partie, chapitre 2.
Édition de 1884 (on remercie tous très fort Gallica)

Si vous avez lu Guerre et Paix, vous savez jusqu’à quel point ce passage est fantastique, sinon, vous pouvez au moins apprécier sa poésie (ce qui n’est pas rien). 

Ceci, chers lecteurs, est un fragment de mon âme. 

samedi 9 novembre 2013

CXXIV ~ Velours

Photos extraites du dernier KERA.
… c’est amusant, je rêvais d’une sorte de clone de la première robe, du velours sombre, goutte de nuit dans l’automne, et par la grâce d’un présent je me retrouve avec l’ancêtre de la seconde, presque identique, mais de cinquante ans plus âgée. Le hasard… !

lundi 4 novembre 2013

CXXIII ~ « J'ai vingt ans, j’ai mal fait, je pourrai faire mieux. »


~~~
Voilà que tu gis encore sur le sol, enfant que tu es, que tu ne devrais plus être… Quelle en sera la raison, cette fois ? De quelles humeurs te sens-tu la victime, toi qui es plus à blâmer qu’à plaindre ?
~~~


~~~
Ah ! Sainte Maman, je t’entends déjà gronder, alors que ma peine est grande. Comment pourrais-je bouger, alors que mon esprit s’englue dans le sublime ? J’ai trop lu, Sainte Maman, et maintenant je ne peux plus vivre.
J’ai en moi les chants des sirènes et les cris des marins. J’ai vu des Révolutions fracasser des rois, des reines, des martyrs succomber dans l’éclat de leur arrogance, Mâtho se raidir devant la fille d’Hamilcar ; j’ai épié les poètes priant Isis et supplié ce triste barbier de ne pas poser son détestable fard sur les joues fiévreuses d’Aschenbach.
Ce soir trop de souvenirs me sont revenus, pauvre spectre tourneur de pages, et j’ai regardé ma main, les boucles de mes cheveux, senti mon cœur battre un peu fort, et j’ai eu si chaud tout à coup, que je me suis allongée sur le parquet froid, bois mort comme les chrysanthèmes que je n’ai pas abreuvés,  trop occupée à rêvasser.
Cruelle que cette mère qui me mit des romans entre les mains, entre les quelques branches de jasmin qu’elle cueillait pour parfumer ma chambre ! Les effluves de ces fleurs sournoises me tournaient la tête alors que je m’émerveillais devant l’idéal ; et lorsque je revenais à moi, le soleil s’évanouissait dans un bain de vermeil ; tout autour de moi la terre chantait sa propre louange, et je la maudissais de toute la rage de mon impuissance. 
J’aspire à décrire, à glorifier ou condamner, mais tout a été dit, et de façon si belle que je ne peux que m’incliner sur ce sol glacé qui tempère mes ardeurs et me rend la raison, sinon l’insouciance.
~~~


~~~
Tu avais prédit que je gronderai, et je gronde en effet, puérile fillette qui sent en elle le devoir de l’artiste, mais qui laisse passer le temps en gémissant sur son sort. Ceux qui enragent sans agir ne sont dignes de rien, et tu es pire que les êtres que tu penses rejeter si tu restes allongée à te dire incapable de tout, au lieu de soupirer d’aise sous le joug du travail.
Je refuse de compatir à ta tristesse si tes doigts ne saignent pas sur la plume que tu as laissé glisser sous le lit, sans mot dire, toute à la contemplation narcissique de ton néant. Accuse ta mère et le jasmin, j’accuse ta paresse et ton orgueil. 
Accoude-toi à la table, près de moi, je te prépare un coussin de soie, un déshabillé de dentelles ; j’allume la bougie qui guidera tes songes, et plonge jasmin et chrysanthèmes dans l’or liquide d’un thé de Chine ; si tu te sens faiblir je te donnerai mes caresses, si tu t’endors je percerai ton cou d’une épingle, mais si tu restes telle que je te vois, alors je pars pour de bon, et jamais plus ne reviendrai.
~~~


~~~ 
Non ! Ne pars pas, Sainte Maman, je me plie à tes ordres. Regarde, me voilà assise, j’ai ramassé ma plume, je suis prête à travailler. Ne sois pas fâchée, comprends que je me sente désespérée, parfois, de cette impression de ne pouvoir succéder à ceux que j’admire. 
~~~


~~~
Vaine sottise ! Invoquer la nécessité, et la faire suivre de la flatterie. Qu’importe les Anciens, les Modernes, et tous les autres, si tu ne produis rien… Quel besoin as-tu de la comparaison, pourquoi craindre ton manque de talent ? Tente tout d’abord de t’approcher d’eux, juste un peu, au lieu de commencer par la fin. Tu sauras bien ce que tu vaux lorsque tu devras nous défendre aux yeux du monde.
Lève-toi, gorge-toi, et travaille. Le reste n’est que vanité.
~~~

Transparent White Star