jeudi 6 juin 2013

Inspirations ~ The Demonic Parts Inside of Me

Comme font les pèlerins pensifs,
rencontrant en chemin des inconnus
qui se tournent vers eux sans s’arrêter,
ainsi, derrière nous, d’un pas plus rapide,
une foule d’âmes dévote et silencieuse
venait et en nous dépassant nous regardait.
Elles avaient toutes les yeux obscurs et creux,
et la face pâle, et elles étaient si maigres
que leur peau suivait la forme de leurs os.
Je ne crois pas qu’Erysichton
fut aussi sec, jusqu’à l’extrême écorce
lorsque le jeûne l’épouvanta le plus.
Je me disais en pensant en moi-même : « voici
le peuple qui perdit Jérusalem,
lorsque Marie becqueta son fils. »
Les orbites semblaient bagues sans gemmes : 
qui lit "omo" dans le visage des hommes
aurait bien ici reconnu le m.
Qui pourrait croire que l’odeur d’un fruit
et celle d’une eau pût amaigrir ainsi, 
engendrant le désir, sans savoir comment ?

Dante, Le Purgatoire,  extrait du chant XXIII


Manuel Dominguez Sanchez, Marguerite devant le miroir.







Aux Parques

Un seul, un seul été… Faites-m’en don, Toutes-
[Puissantes !
Un automne où le chant en moi vienne à mûrir,
Pour que mon cœur, de ce doux jeu rassasié,
Sache se résigner alors, et meure.

L’âme à qui fut déniée, vivante, sa part divine,
Cherche en vain le repos dans la ténèbre de l’Orcus.
Mais qu’un jour cette chose sainte en moi, ce cœur
De mon cœur, le Poème ait trouvé naissance
[heureuse :

Béni soit ton accueil, ô silence du pays des ombres !
Vers toi je descendrai, les mains sans lyre et l’âme
Pourtant pleine de paix. Une fois, une seule,
J’aurais vécu pareil aux dieux. Et c'est assez.

Hölderlin.





Takato Yamamoto



VI
La Ronde sous la cloche

C’était un bâtiment lourd, presque carré,
entouré de ruines, et dont la tour principale
qui possédait encore son horloge, dominait
tout le quartier.
FENIMORE COOPER.

Douze magiciens dansaient une ronde sous la grosse cloche de Saint-Jean. Ils évoquèrent l’orage l’un après l’autre, et du fond de mon lit je comptai avec épouvante douze voix qui traversèrent processionnellement les ténèbres.

Aussitôt la lune courut se cacher derrière les nuées et une pluie mêlée d’éclairs et de tourbillons fouetta ma fenêtre, tandis que les girouettes criaient comme des grues en sentinelle sur qui crève l’averse dans les bois.

La chanterelle de mon luth, appendu à la cloison, éclata ; mon chardonneret battit de l’aile dans sa cage ; quelque esprit curieux tourna un feuillet du Roman-de-la-Rose qui dormait sur mon pupitre.

Mais soudain gronda le foudre au haut de Saint-Jean. Les enchanteurs s’évanouirent frappés à mort, et je vis de loin leurs livres de magie brûler comme une torche dans le noir clocher.

Cette effrayante lueur peignait des rouges flammes du purgatoire et de l’enfer les murailles de la gothique église, et prolongeait sur les maisons voisines l’ombre de la statue gigantesque de Saint-Jean.

Les girouettes se rouillèrent ; la lune fondit les nuées gris de perle ; la pluie ne tomba plus que goutte à goutte des bords du toit, et la brise, ouvrant ma fenêtre mal close, jeta sur mon oreiller les fleurs de mon jasmin secoué par l’orage.

Aloysius Bertrand, « La Nuit et ses prestiges » in Gaspard de la Nuit. 




[...] et, relisant ma vie avec horreur,
je la maudis en frémissant
et je me plains, amer, et pleure amèrement,
mais je n’efface pas les lignes accablantes.
Alexandre Pouchkine, in Souvenir.

2 commentaires:

  1. Je pense que tu te doutes un peu que mon appréciation de cet article est plus qu'enthousiaste ! ^^

    Commençons par le commencement ! J'avoue avoir un peu ri en voyant la photo de Muffin (parce que je suppose que c'est elle, et que tu as dû la surprendre en flagrant délit de "roupillage" dans la baignoire xD). Mais en regardant plus sérieusement, je trouve cette photo superbe, car dans un sens, j'imagine toutes les circonstances étranges qui ont dû arriver pour qu'au moment précis de cette photo, elle se mette à faire cette tête de "chat fantôme".

    La symphonie Eroica est une pièce absolument sublime, et j'ai trouvé cette version de la Marche Funèbre vraiment très bonne (ce qui n'est pas toujours le cas avec Youtube).

    De manière générale, je trouve que ce qui est intéressant ici, c'est la manière dont tu as associé toutes ces images, ces textes (qui m'étaient tous inconnus et que j'ai eu beaucoup de plaisir à lire), ainsi que la musique. C'est tout à fait le genre d'article sur lequel on peut revenir régulièrement pour s'imprégner de l'ambiance qu'il dégage, s'en inspirer pour concocter une coordination par exemple. Je trouve ça vraiment fascinant, car au delà de la contemplation, il laisse une grande place à la méditation, autour de ce titre qui en dit long.

    Ca me fait un peu penser à ces carnet que les stylistes font avant une collection, où ils réunissent toutes sortes d'inspirations qui vont servir de ligne directrice à la prochaine collection.

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    1. Oui, c'était bien Muffin en flagrant délit de roupillage dans la baignoire. Elle a senti ma présence, et a commencé à bailler...

      Je suis contente d'avoir trouvé cette version, c'est vrai que Youtube est assez parfois assez frustrant par rapport aux morceaux classiques. Après ton concours au conservatoire j'ai cherché quelques morceaux dessus, et je n'ai pas trouvé grand chose, j'étais assez déçue. Heureusement, il y a Deezer xD

      Merci, c'est vraiment comme ça que j'ai voulu ce message. J'aime être plongée dans une ambiance plus ou moins proches des miennes dans ce genre de messages ; même si les inspirations varient d'une personne à une autre, d'un moment à l'autre, ça peut être une base pour une réinterprétation, ou simplement pour s'évader l'espace de quelques minutes, bref. Je suis heureuse que ça t'ait plu ^^

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